Depuis quelques semaines, les marchés financiers sont en chute libre. Au début, c’étaient principalement les actions bancaires qui étaient sous forte pression, mais à mesure que le temps avance, les chutes de cours se généralisent à tous les secteurs. Pour restaurer la confiance et maintenir à niveau l’octroi de crédits, les gouvernements adoptent, un peu partout dans le monde, des mesures de soutien en faveur des institutions bancaires. Les conséquences possibles sur l’épargne personnelle ont été, et sont encore, développées en long et en large dans les médias. Dans cette newsletter, nous examinons les risques potentiels sur les plans de pension d’entreprises du second pilier.
Le but ici n’est pas de donner un aperçu des mécanismes de contrôle importants dont dispose la CBFA pour s’assurer de la solvabilité des organismes de pension. Ce contrôle strict et préventif, éventuellement couplé à des plans de rattrapage déposés en cas de problèmes avérés, réduit au minimum les chances de faillite d’un organisme de pension. Toutefois, dans des situations extrêmes, rien ne peut être totalement exclu mais, espérons-le, les gouvernements interviendront alors probablement aussi pour protéger l’épargne pension des bénéficiaires.
Pour l’instant, le plus grand problème des banques n’est pas leur solvabilité, mais plutôt leurs liquidités. Le manque de confiance provoque, d’un côté, des difficultés pour recevoir des crédits suffisants de la part d’autres banques et, d’un autre côté, des retraits croissants d’épargne par des investisseurs inquiets. Dans des situations extrêmes, cela peut conduire à l’impossibilité de faire face aux obligations immédiates, bien que le patrimoine et les avoirs suffisent à couvrir les engagements à long terme.
Ce risque de liquidité imprévu est quasi inexistant pour les organismes de pension. Pour financer les engagements de pension, fixés par un employeur (un travailleur) dans un règlement de pension, l’organisme de pension est assuré de rentrées de fonds régulières. D’autre part, les capitaux pension ne peuvent être liquidés, au plus tôt, qu’à la (pré)pension (à partir de 60 ans), de sorte qu’un « rush » spontané et imprévisible sur l’épargne-pension est exclu. Naturellement, un employeur peut mettre fin à un plan de pension et, par la même, interrompre les « rentrées » pour l’organisme de pension. Une telle cessation change toutefois du tout au tout les relations sociales dans l’entreprise. En outre, les procédures légales à respecter en la matière empêchent une action rapide.
De tout ceci, il ressort que le risque de faillite d’un organisme de pension est plutôt faible. Ce qui ne signifie toutefois pas que la crise financière ne puisse avoir d’impact sur le financement des plans de pension. Les engagements de pension sont en effet déterminés en premier lieu par le règlement de pension et les disposition de la LPC.
Dans un plan à « prestations fixées » (defined benefit, but à atteindre) les réserves pension minimales sont calculées par actualisation (taux d’intérêt de 6% et tables de mortalité MRFR) des capitaux pension acquis sur base du salaire actuel et de la carrière déjà prestée.
Dans un plan à “primes fixées” (defined contribution) les réserves pension minimales sont calculées avec un rendement de 3,25%, après retenue maximale de 5% de frais et des primes de risque pour l’invalidité et le décès, en ce qui concerne les allocations patronales et de 3,75%, sans frais, pour les cotisations personnelles.
Les obligations minimales, correspondant au passif de l’employeur, sont en d’autres termes fixées. Le financement et la valeur des actifs varient, par contre, en fonction de l’organisme de pension et des garanties choisies.
La plupart des plans de pension sont financés auprès d’un assureur en Branche 21. Cela signifie que l’assureur garantit un taux d’intérêt défini (généralement 3,25%) et, octroie, sur base de ses résultats financiers, une participation bénéficiaire complémentaire. En raison de cette garantie d’intérêt, l’assureur investira principalement en obligations, en limitant les placements plus risqués en actions. En cas de crise financière, il est possible que le rendement obtenu soit inférieur au taux d’intérêt garanti, mais cette perte est à charge de l’assureur. Le risque pour les employeurs et travailleurs se limite alors à la perte de la participation bénéficiaire (non garantie).
Si le plan de pension est financé en Branche 23, il n’y a pas de garantie de rendement. L’épargne pension est placée dans des fonds d’investissement et perçoit le return réel de ces fonds. Généralement un choix est possible entre différents fonds, investis de façon plus ou moins importante en actions, avec plus ou mois de risques financiers. L’assureur agit dans ce cas uniquement comme gestionnaire de fonds, sans aucune garantie de rendement. En cas de crise financière, la perte est totalement à charge de l’employeur. Il doit compenser la différence entre les obligations légales minimales et la valeur des actifs. La perte pour les salariés est limitée au return attendu au-delà de la garantie minimale de l’employeur en cas de primes fixées, mentionnée ci-avant.
Certains plans de pension sont financés via des Institutions de Retraite Professionnelle (IRP), autrement nommées fonds de pension. Les (souvent) grands employeurs instaurent une société juridique séparée pour la gestion exclusive de leurs plans de pension. Un tel fonds de pension a presque toujours une « obligation de moyens » (gérer au mieux les avoirs de l’épargne pension récoltée) mais pratiquement jamais une « obligation de résultats ». Le risque financier pour l’employeur est dès lors comparable à celui lié à un plan de pension en Branche 23 auprès d’un assureur.
L’impact immédiat de la crise financière sur le financement des plans de pension dépend, par conséquent, du véhicule d’investissement choisi et de la marge financière déjà constituée en sus des obligations légales minimales. Pour des plans de pension en Branche 21, avec des réserves libres suffisantes, l’impact immédiat sera plutôt limité. Pour des plans de pension en Branche 23 ou financés via un fonds de pension, l’importance du « trou » apparu entre obligations et actifs dépendra des investissements choisis et du surfinancement qui existait. En principe, l’employeur doit compenser immédiatement ce déficit, mais, un plan d’amortissement peut toutefois être mis en place, en accord avec la CBFA.
La crise financière actuelle montre clairement que des placements à risques sans une provision suffisante (excès d’actifs en sus des obligations) peuvent générer des obligations financières aussi désagréables qu’inattendues. Espérons que les marchés financiers se remettront vite pour éviter que de tels « financements compensatoires » supplémentaires doivent être réalisés dans la période difficile de récession annoncée.