La loi sur les pensions complémentaires, aussi appelée LPC ou Loi Vandenbroucke, a été finalement, après de longs palabres, publiée au Moniteur le 15 mai 2003. Dans l’attente de la publication des indispensables arrêtés d’exécution, la plupart des changements entrent en vigueur au 1 janvier 2004. Pour quelques nouveautés importantes, la loi instaure même une période transitoire limitée de 6 mois à compter de sa publication au Moniteur, soit au 15 novembre 2003.
Dans ce numéro de Van Havermaet Actuel, ainsi que dans le suivant, nous résumons les principales modifications et nouveautés introduites par la LPC.
Motivation de la LPC
Le vieillissement de la population met sous pression le financement futur des pensions légales. Dans son commentaire d’introduction, le Ministre Vandenbroucke mentionne lui-même que les pensions légales, premier pilier de constitution de pension, évolueront vers une sorte de revenu de survie ou de minimum d’existence.
Pour les futurs pensionnés, le financement de voyages, l’achat d’un ordinateur ou d’une auto, en un mot le bien-être, devra découler de pensions complémentaires au système légal.
En raison du fait que, selon le Ministre Vandenbroucke, les pensions complémentaires d’entreprise sont actuellement trop limitées aux grandes sociétés ou aux cadres, il souhaite, par cette nouvelle législation, démocratiser l’instauration d’assurances de groupe ou de fonds de pension et, par là-même, étendre le second pilier de pension à toutes les entreprises et à tous les travailleurs.
A titre d’information, l’épargne-pension et les assurances-vie individuelles, que chacun à la possibilité de souscrire, appartiennent au troisième pilier et ne sont pas concernées par la LPC.
Le financement des pensions légales futures n’est pas uniquement mis en péril par le vieillissement de la population. Il est également reconnu que les belges ne travaillent pas assez longtemps en comparaison avec les pays voisins. C’est pourquoi, la LPC instaure aussi de nouvelles mesures qui limitent les avantages de l’assurance-pension complémentaire d’entreprise en cas de pension anticipée, une sorte de ‘pénalisation’ afin d’inciter les salariés à rester plus longtemps actifs.
Plans de pension sociaux
Dans le cadre de la démocratisation des pensions complémentaires pour les ouvriers et employés de PME, la LPC introduit la nouvelle notion de ‘plan de pension social ‘. Un plan de pension social, qui peut être instauré tant au niveau d’une entreprise que pour l’ensemble d’un secteur, bénéficie de certains avantages s’il satisfait à des conditions précises.
Les avantages sont, d’une part l’abandon de la taxe d’assurance de 4,40% sur les cotisations de pension et, d’autre part, le fait que cette cotisation de pension n’est pas prise en compte dans le calcul de l’augmentation maximale autorisée dans le cadre de la norme salariale pour assurer le maintien de notre position concurrentielle vis-à-vis des pays voisins.
Les conditions pour bénéficier des avantages d’un plan de pension social sont toutefois très strictes :
- Le plan de pension doit être applicable à tous les salariés de l’entreprise ou du secteur ;
- Il doit être instauré par une CCT, qui, si cela se fait au niveau sectoriel, doit en outre être déclarée obligatoire pour toutes les sociétés du secteur ;
- Le plan de pension doit être géré paritairement s’il est financé en fonds de pension ou doit être contrôlé par un comité de surveillance paritaire si un assureur groupe se charge de sa gestion ;.
- Les frais de gestion doivent être plafonnés à des maxima fixés et la totalité des bénéfices doit être répartie entre les affiliés ;
- A côté de la pure constitution de pension, le plan social devra prévoir des prestations de solidarité (p.ex. : en cas de maladie, décès, chômage….) dont le coût sera au moins égal à l’avantage correspondant à la suppression de la taxe d’assurance de 4,40%.
Compte tenu des strictes conditions les plans de pensions sociaux seront plutôt instaurés au niveau sectoriel, après négociation entre les organisations patronales et les syndicats. De tels plans existent déjà dans certains secteurs (p.ex : ouvriers et employés d’Agoria, ouvriers de la construction,….)
L’instauration d’un plan social au niveau sectoriel implique aussi que tous les salariés d’une entreprise appartenant au dit secteur doivent obligatoirement s’affilier au plan de pension, ce qui en soi assurera certainement la démocratisation. Du point de vue des coûts pour l’entreprise, des questions peuvent se poser quant aux avantages perçus. Les prestations de solidarité obligatoires doivent en effet au moins compenser la suppression de la taxe d’assurance et le coût de ce plan qui n’entre pas en ligne de compte pour le calcul de l’augmentation maximale autorisée, pourra entraîner une charge supplémentaire dépassant la norme salariale.
Liquidation de la pension
Le plan de pension peut au choix être liquidé sous forme d’un capital unique ou sous forme d’une rente viagère. Ce choix individuel existait déjà dans la législation actuelle mais avait d’importantes conséquences fiscales. En cas de liquidation en capital, l’impôt libératoire s’élève à 16,5% ou 10% selon qu’il s’agisse d’un financement patronal ou personnel. En cas de liquidation en rente, le montant annuel de celle-ci doit être ajouté au revenu total et est soumis au taux normal d’imposition, moyennant toutefois une réduction pour revenu de remplacement. Il est clair que, d’un point de vue purement fiscal, tout le monde était ‘contraint’ d’opter pour la liquidation en capital.
Dans l’esprit, une pension complémentaire reste toutefois un complément annuel à la pension légale servant au maintien du niveau de vie après l’âge de la pension. C’est pourquoi, dans la plupart des pays étrangers, la liquidation ne peut se faire que sous la forme d’une rente viagère. La LPC ne va pas si loin et n’impose pas la liquidation en rente, même s’il en avait été question au cours des travaux préparatoires, mais souhaite encourager ce mode de liquidation en rendant ce choix neutre sur le plan fiscal en imposant de manière identique, liquidation en rente et liquidation en capital.
Outre la manière de liquider, en capital ou en rente, le moment à partir duquel on peut le faire est important.
La législation actuelle autorise le paiement de la pension complémentaire à un tarif fiscalement avantageux :
- Lors de la mise en pension effective ;
- En cas de prépension (possible à partir de 52 ans dans les entreprises en difficulté) ;
- Dans les 5 dernières années précédant le terme contractuel, dans le cas de plans de pensions assurés (donc à partir de 55 ans pour les plans de pension dont l’âge de terme est fixé à 60 ans).
Une liquidation du plan de pension était par ailleurs possible à un autre moment, mais imposée alors au taux marginal.
Tout cela change fondamentalement dans la LPC. Pour d’une part, considérer réellement les pensions complémentaires comme un complément à la pension légale et, d’autre part, encourager les gens à rester plus longtemps actifs, la pension ne pourra plus être liquidée avant l’âge de 60 ans. Avant cet âge, plus aucune liquidation n’est autorisée, même taxée au taux marginal d’imposition.
Etant donné les conséquences de cette disposition vis-à-vis des systèmes de prépension, la LPC prévoit une période transitoire jusqu’au 15 novembre 2003. Jusqu’à cette date les plans de pension peuvent prévoir une liquidation anticipée à partir de 58 ans pour autant que la prépension tombe avant fin 2009. Cette disposition doit alors être explicitement mentionnée dans le règlement et, dès 2010, plus aucun plan de pension ne pourra être liquidé avant l’âge de 60 ans.
Plans de pension individuels
Un plan de pension complémentaire pour des travailleurs salariés est, par définition, collectif et doit traiter de la même manière tous les membres du personnel d’une même catégorie.
La loi actuelle laissait la possibilité de déroger à ce principe, de manière ‘occasionnelle et non-systématique’ via les promesses individuelles de pension. Outre leur caractère occasionnel, les promesses individuelles de pension entraient dans la ‘limite fiscale des 80%’.
Le financement de ces promesses individuelles de pension était assuré, soit via une provision interne dans l’entreprise, soit via une assurance dirigeant d’entreprise. Dans les deux cas, les réserves constituées appartenaient au patrimoine de l’entreprise et cette dernière versait directement le capital promis au membre du personnel bénéficiaire lors de sa mise à la pension, en application d’une convention interne de pension. Cela signifiait également, qu’en cas de pension anticipée ou de faillite, le membre du personnel n’avait aucun droit acquis sur les réserves constituées. Cette absence de droits acquis était d’ailleurs souvent intentionnelle dans le chef de la société, pour ainsi se « lier » le membre du personnel assuré.
Dans la pratique, cette construction était aussi souvent utilisée pour transformer des indemnités de licenciement en promesses de pension fiscalement plus avantageuses. Pour en éviter l’emploi abusif, pour augmenter la protection sociale des membres du personnel et pour encourager les plans collectifs au détriment d’arrangements individuels, la LPC prévoit de nouvelles règles très strictes en matière de plans de pension individuels pour les travailleurs salariés.
Une assurance pension individuelle au niveau de l’entreprise ne pourra plus être souscrite que moyennant les conditions suivantes :
- Tous les travailleurs de l’entreprise doivent déjà bénéficier d’un plan de pension collectif ;
- Une promesse individuelle de pension doit conserver un caractère occasionnel et non-systématique ;
- Le financement de ces promesse doit être externalisé (auprès d’un assureur) et n’est plus autorisé via provision interne ;
- Le membre du personnel est directement bénéficiaire des réserves constituées ;
- Le membre du personnel doit être informé annuellement de la situation de son contrat d’assurance individuel, de la même manière que pour son plan de pension collectif ;
- La prime annuelle maximum pour la constitution de la promesse individuelle de pension ne peut excéder 1.860,00 Euro (pour 2004) ;
- Une promesse de pension individuelle ne peut être souscrite endéans les 36 derniers mois qui précèdent le départ du membre du personnel.
Pour assurer le contrôle du suivi correct de ces principes, il est en outre prévu que chaque promesse individuelle de pension soit transmise au service de Contrôle des Assurances et ceci, au plus tard, dans les 6 mois qui suivent la fin de l’année au cours de laquelle la promesse est souscrite.
Il est clair que les possibilités en matière de promesses individuelles de pension pour les salariés deviennent extrêmement limitées. Régler un problème spécifique via une pension individuelle devient par conséquent quasiment exclu. Si une entreprise souhaite octroyer des plans de pension complémentaire, elle est ‘contrainte’ de se tourner vers des plans collectifs, par catégorie de personnel, sur du long terme.
Compte tenu des lourds impacts de ces nouvelles dispositions, il est aussi prévu, en matière de promesses individuelles de pension, une période transitoire jusqu’au 15 novembre 2003. Jusqu’à cette date, des promesses individuelles de pension peuvent encore être souscrites dans le respect de la législation actuelle, sans tenir compte des limitations instaurées par la nouvelle loi.
Pour les administrateurs et gérants de société sous statut d’indépendants, les limitations précitées en matière de promesses individuelles de pension ne s’appliquent pas.
Rien ne change pour les promesses individuelles de pension existantes. Sur base du dossier pension global de l’entreprise, on peut examiner si ces promesses peuvent être transformées en assurances-pension individuelles avec financement externe.
Dans le prochain numéro de Van Havermaet Actuel nous aborderons les modifications et nouveautés introduites par la LPC et notamment, les garanties de rendement, les plans cafetaria, les discriminations interdites, la continuation individuelle, les obligations d’information et la participation des membres du personnel.
Bob Daenen
Octobre 2003